Long time no see (Feat Savyna)

Nous avons tous ce collègue, excessivement envahissant, qui n’a de cesse que de nous proposer des plans foireux et pour qui aller s’envoyer quelques verres dans un bar est une idée fixe. Pour ma part Billy se voulait être ce genre de collègue, un véritable boulet, et évidemment devant l’insistance qu’il déployait je n’avais pas trouvé la force de lui opposer une fin de non-recevoir. Je n’allais pas tarder à regretter d’avoir accepté de le suivre dans cette soirée.

Je dois admettre que j’avais été fortement tenté d’appeler Billy afin de me désister mais je me doutais fort qu’il allait revenir à la charge les soirs suivants alors quitte à passer une mauvaise soirée je préférais m’en débarrasser le plus rapidement possible et du coup je m’étais dis qu’il valait mieux aller prendre ce verre avec lui et de me casser par la suite en invoquant le premier prétexte à me passer par la tête.

Vêtu d’un jeans et d’une chemise c’est donc avec une certaine résignation que je décidai de me rendre à notre point de rendez-vous, La Cosca, et je compris en le voyant que la soirée allait s’avérer longue et pénible. Il me collait constamment aux basques, il me gonflait, et je finis par perdre mon sang-froid lorsqu’il me présenta à une demoiselle comme étant son meilleur ami. « Écoute Billy, désolé de te dire ça devant mademoiselle et de te faire passer pour le dernier des imbéciles, mais je ne suis pas ton meilleur-ami pas plus que nous sommes amis; je dirais même que dès le premier jour ou tu m’as adressé la parole tu as eu le chic pour me faire chier donc je vais te laisser à tes conquêtes en espérant que tu me foutes la paix définitivement. » Finalement, je dois admettre que ça c’était plutôt bien passé, il n’avait pas éclaté en sanglots, d’ailleurs il semblait s’en foutre puisqu’il avait déjà jeté son dévolu sur quelques jeunes femmes.

Soulagé je finis par m’éloigner et m’installant au comptoir je fis signe au barman afin de placer ma commande. Regardant au loin je remarquai cette brune, elle possédait un sacré charme je me devais de l’admettre, puis lorsque le barman vint à moi je me permis de lui demander un scotch. Évidemment, de façon on ne peut plus discrète mon regard se dirigea en direction de l’intrigante demoiselle et je ne tardai pas de réaliser qu’elle avait déjà un prétendant.  Il suffisait d’observer la scène pour en conclure qu’elle n'avait pas le moindre intérêt pour cet individu mais de toute évidence il s’agissait de l’un de ces imbéciles pour qui non semble résonner comme un oui ou un peut-être. Il ferait un sacré duo de tête à claques avec Billy celui-là.

Il m’avait fallu un peu de temps pour réaliser qu’il s’agissait de Savyna après tout il y avait un certain temps que l’on ne s’était pas vu et l’obscurité n’aidait pas.  Je finis donc par m’approcher et par déposer mon verre sur le comptoir, un geste qui se voulait empreint de fermeté. « Les gars c’est maintenant que vous prenez vos jambes à votre cou et que vous vous barrez.»  Par la suite mon regard se plongeant dans celui de la jolie brune je finis par ne plus porter la moindre attention aux gens qui nous entouraient si bien que j’avais raté cette claque monumentale que venais de se prendre Billy après qu’une demoiselle dégoutée par son audace et ses manières excessivement entreprenantes décida de se faire justice. « Bonsoir toi. Je suis sincèrement ravi de te voir. T’es en ville depuis longtemps? » . La question méritait d’être posée, je dois admettre que la réponse m’intéressait grandement.

Magnifique, divine, exquise; tels étaient les premiers adjectifs qui m’étaient venus à l’esprit lorsque je m’étais mis à laisser mon regard se fondre dans le sien. Le simple fait de la contempler se voulait un plaisir de tous les instants. Elle semblait toute aussi heureuse de me voir que je pouvais l’être du coup ce large sourire se dessinant sur mes lèvres n’était pas étranger à nos agréables retrouvailles quoi qu’inattendues et improvisées. « Effectivement, trop longtemps à mon avis. »

La beauté de son regard, l’exquise légèreté de son parfum, tout était là pour me déstabiliser. Elle ne me laissait pas indifférent, c’était l’évidence même, mais si cela se prouvait elle avait peut-être quelqu’un dans sa vie, mieux valait éviter de se mettre les pieds dans les plats. « Je vois, je suis ravi de l’apprendre. » Évidemment il s’agissait d’un constat fort intéressé de ma part. « Merci. » Lui dis-je alors qu’elle me donna le feu vert afin que je puisse prendre place près d’elle. Elle n’attendait visiblement personne, du coup j’étais soulagé puisque je m’aurais senti tout con de ne servir qu’à réchauffer le siège au profit d’une autre personne.

Installé au bar, verre à la main et admirant le regard éclatant de la belle demoiselle, je l’entendis prendre de mes nouvelles. Une noble attention de sa part mais je reconnaissais cette grande sollicitude qu’elle a toujours eu à mon égard. « Et bien je suis de retour à St-Hope, le journalisme et la télévision c’était plus réellement mon truc. La pression de constamment devoir répondre aux attentes des patrons en termes de tirages, pour les ventes de journaux, et l’audimat, pour les réseaux de télévision, était devenu pour moi un fardeau … une pression plus qu’infernale que je ne parvenais plus à gérer. Et toi ? » Évidemment j’aurais pu continuer en évoquant le fait que je me suis recyclé dans le monde de l’enseignement et qu’éventuellement j’aimerais bien publier un bouquin racontant certaines de mes péripéties m’ayant conduit de l’anonymat à la célébrité afin de mieux revenir vers l’anonymat mais pour le moment je n’avais pas envie de monopoliser la conversation.

Un large sourire s’était dessiné sur mes lèvres lorsque je l’entendis me demander ce que je devenais depuis mon retour. Évidemment j’aurai pu me lancer dans une réponse étoffée mais en même temps, c’est connu, trop de détails peuvent finir par donner le tournis, j’avais donc préféré donner dans la simplicité quitte à ajouter plus de détails si le besoin en venait à se faire sentir. « J’ai mis ma carrière de journaliste sur pause et j’enseigne maintenant la littérature. » Lui demandais-je en lui retournant la question, après tout c’était dans ma nature de questionner les gens.  Écoutant mon amie de longue date je perdis légèrement le sourire en l’écoutant me confier qu’elle avait décidée de refaire sa vie ici à la suite de sa séparation d’avec le père de sa fille. « Tu m’en vois sincèrement désolé. » L’entendre, au fil de notre échange, qu’elle avait su se dénicher un boulot sympa n’avait pas été sans m’inciter à me réjouir pour elle. « Je suis très heureux d’apprendre que tu as su trouver un job dans lequel tu puisses t’épanouir.’

Mon regard se perdant à nouveau dans celui de la brune j’eus un sourire légèrement amusé lorsqu’elle me remercia d’avoir intervenu en sa faveur. « C’était la moindre des choses, d’ailleurs tu aurais fait pareil si c’était moi qui m’étais trouvé dans une telle situation. »  Visiblement elle n’avait pas détestée que j’aie joué d’audace pour la sortir des griffes de séducteur dont l’approche ne donnait pas de toute évidence dans la subtilité. « Je suis flatté que tu aies appréciée mon intervention. » Lui dis-je alors que mon regard se voulait toujours ancré dans le sien.