Dean Oakley - back on track

Qu’est-ce que les gens pensent en général de toi ?
J’apparais au premier abord comme étant une personne chaleureuse et ouverte, j'ai une petite réputation en tant que chef cuisinier et mon restaurant à New York attirait beaucoup les foules. Les gens me voient comme un bourreau de travail qui dort littéralement dans sa cuisine et qui a du écraser la concurrence pour en arriver là. Ceux qui m'ont connu juste après le désastre qu'à été mon non-mariage ont une vision différente de moi, beaucoup on gardé l'image d'une personne renfermée, dépressive, au fond du trou, en colère.

Et toi, comment te décris-tu ?
Je suis une personne qui a du mal à cacher ses émotions de base donc ma réputation est assez fidèle à la réalité. Pour le côté travailleur à outrance, le trait à tout de même été un peu grossi car je n'ai jamais mis ma vie personnelle de côté à ce point - le sol des cuisines est un peu trop frais pour y dormir. Cependant, depuis que je me suis fait planter à l'église, j'avoue m'être relevé de la dépression grâce au travail. Je suis quelqu'un qui préfère de manière générale éviter les conflits et tout ce qui s'en approche, peut-être est-ce un moyen de m'éloigner de ce qu'à pu être mon père. J'apprécie la compagnie autant que la solitude, selon les moments. J'estime ne pas être trop difficile à cerner.

Que penses tu de cette ville ?
Elle est pleine de clients potentiels hehe ! Non sérieusement, ça change beaucoup de New York, c'est plus petit et intimiste, en arrivant ici, j'avais peur de m'y ennuyer mais mes projets - personnels et professionnels - empêchent cette perspective. Je suis loin d'en avoir fait le tour

Parle nous de toi :

(un)1986 – Je nais à New York au mois de Mai, les premières années de ma vie débutaient pourtant bien puisque mon père était aux abonnés absents. Un peu paradoxal comme concept, mais dans mon cas, n’avoir qu’un seul parent toute ma vie aurait été relativement bénéfique. Nous avons vécu tous les deux, ma mère et moi, dans un petit appartement durant 4 ans ; je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette période dû à mon âge, mais les photos nous montrent heureux.
(deux) 1990 – Cet homme que je voyais de temps à autre et que ma mère me présente comme « papa » vient de plus en plus souvent à la maison pour finir par s’y installer. Je comprends assez rapidement que mon père n’est jamais vraiment parti mais qu’il m’a simplement fui, qu’il voyait toujours ma mère, mais sans moi. Je n’ai jamais eu d’explication sur ce comportement parce qu’on n’en parlait pas à la maison. En tout cas, l’annonce de son retour s’est faite en même temps que celle d’un bébé à venir. Beaucoup de choses d’un coup pour un enfant de 4 ans. Ma petite sœur est née cette même année, et malgré le chamboulement, je me souviens avoir été extrêmement heureux de son arrivée dans ma vie.
(trois) 1993 – J’ai 7 ans et ma sœur tout juste 3. On est de plus en plus entassés dans cet appartement, maman gère seule la rentrée d’argent tandis que mon père en assure la sortie ; ses dépenses en alcool nous privent parfois de repas copieux, et le rendent de plus en plus irritable. C’est quelques jours avant Noël que la première claque me tombe dessus, elle était destinée à ma sœur qui jouait un peu trop fort, selon lui, mais je me suis interposé en lui disant d’arrêter. Ç’a été le premier acte de violence, mais pas le dernier.
(quatre) 2002 – J’ai 16 ans et ces dernières années, la vie s’est un peu adoucie. Mon père a laissé la bouteille de côté pour enfin prendre sa vie, et celle de sa famille, en main. Il m’a embarqué avec lui dans une nouvelle lubie qui changera ma vie. Rien de bien mirobolant pour commencer, mais cette baraque à frites me donne le goût de la cuisine, je sais enfin vers quoi me diriger professionnellement parlant et débute ainsi un apprentissage dans ce secteur. Deux ans plus tard, je suis diplômé, je cesse de travailler avec mon père et il faudra encore deux années pour que je quitte le domicile familial. Par peur que la violence de mon père ne refasse surface, j’embarque ma petite sœur avec moi.
(cinq) 2004 – Une année charnière pour moi, et pas seulement pour ma majorité. En même temps que je débute ma carrière, je tombe par hasard sur celle qui chamboulera ma vie. Un coup de foudre digne d’une comédie romantique, l’histoire qui me fera oublier les précédentes et aussi, même si je ne le savais pas à ce moment-là, celles à venir.
(six) 2006 – Je suis en colocation avec ma sœur qui est par ailleurs la meilleure amie que j’aie, nous nous croisons car je travaille beaucoup tandis qu’elle étudie avec acharnement. Elle n’a que 16 ans mais est assez indépendante pour me fiche à la porte de chez nous afin que Tylla et moi puissions enfin vivre ensemble. Notre histoire est idyllique et c’en est même déconcertant, pas besoin de période d’ajustement à la vie commune, les disputes sont rares et les projets fusent sans pour autant nous éloigner de nos familles respectives ou d’écarter nos ambitions personnelles. C’est naturellement qu’après 6 ans de relation, nous avons souhaité de nous marier.
(sept) 2015 – Le jour J est arrivé, tout est prêt, après des mois d’organisation et de stress à mesure que le temps passait. Nous avons hâte tous les deux. Ma sœur est surexcitée, parfaite dans son rôle de témoin, mes amis ont arrêté de me charrier sur le fait que je me fasse passer la corde au cou et sont simplement heureux pour moi. Sauf que… Tylla ne viendra pas. Les premières minutes, on en rigolera, disant que la mariée se fait attendre. Et puis la vérité éclate sous la forme d’une lettre. Elle ne viendra pas, elle arrête tout.
(huit)2016 – Dépression.
2017 – Pensées noires.
2018 – Rancœur, colère.
2019 – Incompréhension.
(neuf)2020 – 5 ans sans nouvelles d’elle. J’ai pourtant essayé plusieurs fois, sans pour autant la harceler. J’ai voulu des réponses qui ne sont jamais arrivées, j’en ai demandé à ses amis, à ses frères mais personne n’a su me dire. Alors pour survivre à cette perte vécue comme un deuil, j’ai travaillé dur, tant et si bien que j’ai gravi les échelons jusqu’à ouvrir mon propre restaurant à New York.
(dix)2022 – Il m’aura fallu 7 longues années pour me remettre de cette histoire. Ces derniers mois, suite aux conseils de mon psy qui a bien constaté que je stagne sentimentalement, j’ai pris une décision radicale : vendre mon restaurant et en ouvrir un nouveau à St Hope, là où Tylla vit. Personne n’a su la remplacer, même pas la serveuse de mon restaurant, avec qui je suis « en couple » depuis peu, cette relation pansement n’a aucun avenir. Ma sœur, qui en veut énormément à celle qui aurait dû être ma femme, a choisi de venir avec moi.