Maximum effort | Marty

Qu’est-ce que les gens pensent en général de toi ?

Les gens pensent de moi que je suis quelqu’un de responsable et renfermé sur lui même depuis la mort d’Ally. C’est d’ailleurs cette raison qui m’a poussé à déménager. De là à dire que je suis fuyard, il n’y a qu’un pas, qui n’est d’ailleurs pas loin d’être franchi. Mais les gens disant de moi que je suis également une grande gueule, ils savent qu’ils risquent un retour de bâton auquel ils ne survivraient probablement pas: vous savez ce qu’on dit: œil pour œil ma main dans ta gueule.

Mon fils, lui, vous dirait sans doute que je suis probablement le plus irresponsable des pères, que j’ai manqué de le tuer un nombre incalculable de fois, et que de nous deux, c’est lui le plus adulte. Et le plus beau gosse. Et le plus… ouais. Bon, ok, j’en rajoute certainement. Je ne sais pas vraiment ce que dirait mon fils. Que je suis immature, très certainement. En même temps, un père qui joue aux jeux-vidéos toute la journée, qu’est ce que ça peut bien être d’autre ? tout semblerait confirmer cette hypothèse. Mais ce dont je suis certain, en revanche, c'est que mon fils sait ce qu'il en est vraiment: j'ai p't-être pas été toujours correct. Mais j'apprenais en même temps que lui. Je n'ai pas eu la chance de ceux qui s'improvisent parents à quarante piges. Mais l'important, c'est l'amour qu'on se porte.

Et toi, comment te décris-tu ?

Premièrement... ce que pense les gens ne m'importe pas le moins du monde. Chacun vit sa vie comme il le peut, fin de l'histoire: est-ce que j'irais me mêler des affaires de ma voisine et de sa place de parking ? allooooo t'as quatre-vingts ans et pas le permis, laisse-la ta foutue place ! spoiler alert : non. Cependant, les gens auraient raison sur une chose: depuis la mort d'Ally, je ne sors plus vraiment. Tout ce à quoi j'ai pu me raccrocher ? mon fils, notre nouvelle vie dans une nouvelle ville, et mon métier de developpeur. Faut dire que celui là m'a pas mal servi d'excuse, pour ne pas sortir "je vérifie les bugs de zelda breath of the wild !" Marty, Marty, Marty, peut-on te rappeler que tu ne travaille même pas chez Nintendo ? oupsy. La réalité ? C’est que depuis qu’Ally est partie en fumée tout comme le bateau duquel je n’ai pas réussi à l’extirper, j’ai pour ainsi dire peur… de tout. D’aller à la mer, d’abord : ça, il en est absolument hors de question. Des bateaux, ça, ça va sans dire : si les films d’horreur ne me font pas grand-chose, montrez moi Titanic pour me voir me pisser dessus : effet garanti. J’ai aussi peur du feu, à tel point que ma « gazinière » n’en a plus que le nom. Ses plaques sont électriques, tout comme son four à chaleur tournante. Comment ça, il pourrait y avoir un défaut électrique qui pourrait tout de même mettre le feu à ma baraque ? Certes. Mais… je ne peux pas ne pas manger. Les compromis avec soi-même sont aussi importants que les compromis avec autrui. Parfois, cette peur est si forte qu’elle me paralyse. Je ne sais pas si ce sont des excuses toutes trouvées, dans tous les cas, c’est ainsi. Et cela fait de moi quelqu’un de procrastinateur : je remets tout à demain. Sauf quand il s’agit de développer mes jeux. Je sais bien que pour beaucoup, ce monde de pixels n’est pas réel, mais pour moi, il est un véritable refuge. Une chance de tout recommencer, qui ne me rendra pas la mère de mon fils, mais dans lequel je peux la rendre immortelle, si je le décide. Et ça, ça n’a pas de prix. Fuyant, donc, vous l’aurez compris, je ne le suis pas vraiment. En fait, je suis de ceux qui se lèvent et vont au combat dès le départ. Parce qu’il est important de pouvoir protéger ses convictions. Et que j’ai effectivement une grande gueule. Mais bon, chacun ses petits défauts. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours voulu apprendre à mon fils, arrivé lorsque, moi même j’étais en pleine crise identitaire. Faut dire qu’à seize ans, beaucoup de choses peuvent arriver ; et on trouve le monde dégueulasse. Mais qu’est ce qu’on peut y faire ? Se battre. Comme on peut. Et être juste avec ses proches. Aimant. Et protecteur. Et surtout… se fabriquer beaucoup de souvenirs. La vie n’est qu’une vaste blague, ça, j’l’ai compris bien tôt. Sans doute pour ça que j’ai préféré vivre avec mon fils dans l’humour : la vie était assez cruelle ainsi sans qu’on se prenne au sérieux.

Que penses tu de cette ville ?
C’est à la mort d’Ally, que j’ai pris la décision de partir de Nashville, mon fils sous le bras. Dans le fond, c’était la seule chose qui m’importait vraiment. Mes parents ne me parlaient plus depuis sa naissance, et les parents d’Ally avaient été hospitaliers, certes… Mais cependant, je ne me voyais pas rester là-bas. C’était trop douloureux. Alors j’ai décidé de poser nos valises ici, un peu par hasard. Et ce n’est pas plus mal : le havre que l’on s’est construit, je ne le quitterais pour rien au monde, quand bien même Rory est parti maintenant. J’ai tellement de souvenirs ici que… j’peux dire que je suis attaché à cette ville.

Parle nous de toi :

(un) Marty est né un quinze novembre, en mille neuf-cent soixante-dix-sept à Nashville, Tenessee. Après quelques complications et quelques semaines en couveuse, il découvre finalement son foyer et grandit auprès d'une famille aimante, et ne manque de rien, malgré la pauvreté de ses parents. (deux) à l'adolescence, la situation familiale ne s'arrange pas vraiment. Ses parents peinent à joindre les deux bouts, et mettent une pression monumentale sur les épaules de Marty, afin qu'il réussisse dans ses études: ils ne veulent pas le voir dans la même situation qu'eux. Mais vous savez ce que l'on dit: l'enfer est pavé de bonnes intentions. Marty perd pied face à tant d'attentes à son égard, il rechigne de plus en plus à rentrer chez lui, angoissé de ne pas être à la hauteur. (trois)De plus en plus, il traine dehors avec ses amis avant de rentrer du lycée. C'est d'ailleurs ainsi qu'il rencontrera celle qui deviendra la mère de leur enfant. Première relation pour tous les deux. Peut-être la plus symbolique pour beaucoup. En tous cas, pour Ally et Marty, elle demeura la plus importante, puisqu'elle leur donna Rory. (quatre) Malheureusement, si les parents d'Ally acceptent leur décision de garder l'enfant, c'en est tout autrement pour les parents de Marty, avec qui il finit par se facher et perdre contact au fil des ans. Pour pouvoir élever leur fils convenablement, les parents d'Ally propose au couple d'adolescents de faire de leur sous-sol inutilisé une dépendance où ils pourront s'établir.(cinq) C'est dans ce microcosme que Marty continue ses études sans relâche. Comme pour tenir cette promesse qu'il avait faite à ses parents, mais aussi et surtout pour réaliser son rêve: celui de devenir développeur de jeux vidéos. Il a vingt-cinq ans lorsqu'il termine ses études et est embauché pour la première fois dans une grosse société spécialisée dans le jeu vidéo. (six ) Marty profite de cette expérience pour faire ses armes et se montre talentueux et plein de ressources. Tandis qu'il travaille sur les projets de la boite, il travaille également de son côté sur ses propres jeux-vidéos. Son but, devenir développeur indépendant. (sept) C'est à ses trente ans qu'il parvient enfin à ses fins. Pour fêter ça, il décide d'emmener son fils et Ally, devenue sa femme depuis leurs vingt et un ans, passer un weekend en mer sur un bateau de plaisance. Mais en pleine nuit, un défaut électrique déclenche un incendie dans la cabine. (huit) Rory sort en premier, suivi de près par Marty, convaincu que sa femme suit. Il fait demi tour lorsqu'il s'aperçoit qu'elle est restée prisonnière des flammes. Malheureusement, il n'arrivera pas à la faire sortir, celle-ci succombant face à la toxicité des fumées avant qu'il ait pu faire quoique ce soit. (neuf) Marty et Rory tentent tant bien que mal de se reconstruire et de panser les plaies encore fraiches de la disparition de la femme de leurs vies. Malheureusement, son souvenir étant trop présent dans les recoins de Nashville, il devient invivable pour Marty de rester ici, et il décide de partir avec son fils, direction n'importe où.(dix) Ce n'importe où ? ce fut St Hope. Au fond, c'est peut-être le nom plein d'espoir de cette petite ville qui a convaincu Marty de rester. Doucement mais sûrement, son fils et lui se fondent un cocon sécurisant, où tous les deux vivent en frères. En même temps, leur différence d'âge, faible, n'aide probablement pas à mettre de la distance entre eux. Et d'un autre côté, Marty a besoin de sentir son fils au près de lui pour ne pas sombrer. (onze) Rory étant adulte, il a pourtant fini par quitter le cocon familial: c'était couru et pourtant, Marty ne parvient toujours pas à s'y faire. La solitude, il ne l'a jamais aimée et aujourd'hui, il préfère s'enfermer dans les jeux qu'il créée plutôt que d'affronter ses vieux démons. Son animal totem ? l'autruche: il cache sa tête dans le sable à la perfection.